Cliquez pour retourner à la Page d'accueil... Cliquez pour retourner à la Page d'accueil...
 

 

 

 

 

 

 



     


  

 

 
Ethiopie 1999

fleuve Omo, massif du Bale

 

Participent à cette aventure Philippe Guedron, un ami du temps lointain où nous faisions ensemble du kayak, son frere Didier et sa belle sœur Renate, Jean Chillon, un collègue de mon travail, ainsi que Christiane et JF Porret dans le rôle du tétra.

11 janvier

Nous voici de nouveau à Addis Abeba, 2 ans après notre voyage dans le Nord de l’Ethiopie (voir Ethiopie 97). Son aéroport est, pour des raisons de sécurité, coupé de l’extérieur par un large no mans land. On y est donc préservés de l’habituelle bousculade des arrivées d’avion.  Enfin, tant qu’on n’a pas franchi le poste de garde et ses militaires…
Nous sommes accueillis par Claude, notre précieux contact sur place qui s’est chargé d’organiser la logistique de notre petite expédition. Il nous apprend que la situation est très tendue entre l’Ethiopie et l’Erithrée et que le début de la guerre n’est qu’une question de jours. Deux Mig ennemis ont d’ailleurs survolé la ville 2 jours avant. Notre périple risque de s’en trouver perturbé, ne serait ce que par le stress que ces nouvelles peuvent induire.

12 janvier         Dépose de médicaments dans un dispensaire

Nous avions rassemblé, avant notre départ de France, une valise de médicaments à donner à notre arrivée. Ils m’avaient été fournis par un pharmacien en lien avec Pharmaciens Sans Frontières, sur la base de la liste que m’avait envoyé le médecin de l’ambassade de France. Ceci afin de bien cibler ceux qui font vraiment défaut en Ethiopie. Les expédier s’était avéré impossible, par risque qu’ils soient volés puis revendus au marché noir.
Nous les avons d’ailleurs, par prudence, dispersés dans tous les bagages.
La priorité de ce matin est donc d’aller au dispensaire que nous a recommandé Claude. Nous y sommes accueillis par deux religieuses au dynamisme et à l’altruisme communicatifs. Leur joie est rayonnante. Ce quartier d’Addis est extrêmement pauvre. Beaucoup de misère autour de nous. Une jeune femme, ayant accouché dans la nuit, vient d’arriver en portant son bébé dans une petite boite à chaussures. Son placenta n’a pas été expulsé et les sœurs s’affairent autour d’elle.
En repartant, assise sur le trottoir au coin de la rue, une femme en pleurs berce un enfant dont la raideur trahit le décès. Image terrible…

L’après midi, nous prenons la route du Sud et couchons à proximité du lac Ziway, le 1er d’une série qui va s’égrainer tout au long du rift, se poursuivant au Kenya. Claude nous accompagne car il n’est allé qu’une seule fois dans l’Omo et souhaite revoir ces zones tribales.

13 janvier 

Longue route pour rejoindre le soir Arba Minch. Les 4x4 louvoient entre les nids de poule ou roulent sur le bas côté de la route si celui ci s’avère plus roulant. La radio a annoncé que la guerre était presque lancée. Les stations essence sont réquisitionnées par l’armée et refusent de nous fournir le précieux carburant. Pas d’autre solution pour les chauffeurs que d’utiliser les jerricans qu’ils ont mis sur le toit et de s’approvisionner la nuit, au marché noir. Cela s’avérera de plus en plus difficile, au fil des jours, et avec un tarif en forte croissance.

14 janvier        Découverte des ethnies du Sud

Départ très matinal, de nuit. 3 heures de piste jusqu’à Konso, puis à nouveau 4 h de piste jusqu’à Keyafer, où se tient le grand marché des ethnies locales. Nous sommes tout à coup plongés dans l’Afrique profonde de nos livres d’école. Hommes et femmes sont à demi nus. Tous portent les bijoux distinctifs de leur ethnie et sont d’une grande beauté. Certains sont revêtus de peau de bête.
La température est élevée et devient torride dans le 4x4, dépourvu de clim. Nous sommes pourtant encore en altitude. Les bords de l’Omo, situés à 550 m doivent être une véritable fournaise.
Arrivée à Jinka (1400 m), la porte de l’Omo.

15 janvier

Claude a pu téléphoner à sa femme, restée à Addis. Elle est érithréenne et est donc directement menacée par la nouvelle guerre. Deux de ses amies viennent d’être reconduites à la frontière. Il est extrêmement inquiet pour elle et souhaite rentrer.
De mon côté, je redoute que les grosses chaleurs qui nous attendent soient incompatibles avec mon absence de régulation thermique. Nous optons donc pour une séparation de quelques jours avec le groupe. Nous ramènerons Claude jusqu’à la vallée du rift et nous continuerons seuls Christiane et moi jusqu’au massif du Bale. Nous partirons demain. Le groupe nous quitte avec le deuxième 4x4.
Balade pour nous à la rivière où les femmes lavent leur linge. Images magnifiques. Mais Christiane est soudain agressée très violemment par un grand gaillard qui brandit une grosse pierre au dessus de sa tête. Il prétend qu’elle l’a photographié et se fait très menaçant. L’affaire se termine par un peu d’argent et la menace d’aller chercher la police de Jinka. Mais l’alerte a été chaude et nous laisse une impression très désagréable. Nous réalisons qu’un rien peut nous faire basculer dans l’imprévisible
L’après midi, je fais un tour en FTT, suivi d’une descente de la colline, entouré d’une volière de gamins riant à pleine dent. Les enfants qui sortent de l’école me montrent leurs cahiers et m’apprennent à compter jusqu’à cinq.

16 janvier 

Nous retournons jusqu’à Konso puis partons voir des villages de l’ethnie de ce secteur. L’un d’eux est situé en hauteur sur une colline. J’en profite pour y pénétrer avec mon FTT, en utilisant la pente pour rouler sans aide. Je suis immédiatement entouré par une foule hétéroclite d’hommes, de femmes et d’enfants criant leur étonnement, voulant me toucher, me palper, me serrer au plus près. Je suis à demi étouffé. Ils sont très sales, l’odeur est forte. Christiane est entrée avec Claude dans une case et je me sens un peu seul…
La rencontre commence à tourner à l’émeute et Claude, inquiet, parvient à nous faire échapper par un autre chemin qu’à l’aller. On appelle çà une exfiltration…
Le soir, nous dormons dans un hôtel, dont on ne sait s’il est de passage ou de passe, rustique à l’extrême et semble t-il très prisé des camionneurs. A côté du lit, un pot de chambre (il n’y a ni eau ni toilettes) qui sera ramassé le lendemain matin devant la porte. Dans la table de nuit, des préservatifs. Beaucoup de bruit : les camions sont garés devant chaque chambre et les moteurs chauffent bien avant l’aube.

17 janvier 

Route jusqu’à Arba Minch. Ballade en FTT par un joli chemin en forêt, situé sous des falaises. Les oiseaux sont superbes, très colorés.

18 janvier        Premiers contacts avec la faune 

Nous partons tôt le matin dans le parc Nechisar, qui ne voit guère de touristes et où nous sommes entièrement seuls. La piste domine le lac Chamo dans lequel flottent de très nombreux crocodiles du Nil, d’une taille impressionnante. Au milieu d’eux, d’intrépides ethiopiens pêchent à genoux dans leur étroite pirogue. Une belle faune vit dans ce parc et nous pouvons approcher de nombreux zèbres de grande taille, des grands kudus (avec leurs oreilles de mickey) et de grands rapaces noir endémiques de l’Abyssinie.
Bon hôtel le soir, à Awasa, le premier depuis longtemps.

19 janvier

Nos chemins se séparent. Claude nous quitte pour retrouver sa femme. Elle a encore une de ses amies qui a été ramassée dans une rafle et déportée sur l’Erythrée. Elle lui a décrit l’angoisse de tous les matins, peu avant le lever du soleil, à l’heure où les coups frappés à la porte sont le signe que votre tour est venu…
Le pays est en fête aujourd’hui. C’est Timkat, l’Epiphanie éthiopienne. La foule a envahi les rues et nous sommes pris dans une immense procession. Nous ne savons pas s’il faut nous réjouir avec eux ou redouter un débordement.
Nous roulons pendant 5 heures. Le paysage est ici assez monotone, grande plaine sans culture et avec peu d’arbres. Les gens circulent à cheval, donnant à cette région un petit air de Mongolie. Arrivée à Dinsho où nous trouvons une surprenante lodge très propre, ressemblant à un refuge de nos Alpes. La belle cheminée en pierres, où brûle un grand feu, est la bienvenue car il pleut et il fait froid.

20 janvier        Le FTT à la rencontre de la faune sauvage 

Notre chauffeur nous trouve un guide local qui m’emmène en FTT dans une grande plaine où se trouvent des Grands Nyalas, antilopes de belle taille, nanties de cornes impressionnantes en forme de lyre. Nous parvenons à avancer discrètement à travers les hautes herbes jusqu’à un point haut proche de l’un d’entre eux. Superbe.
Le soir, arrivée de nos amis, de retour de l’Omo. Ils nous confirment que la chaleur a été terrible. Ils ont eu quelques belles émotions. La 1ère nuit, des éléphants ont approché d’un peu trop près leurs tentes. Ils entendaient le fracas des branches mais ne voyaient rien et ne savaient pas d’où ils pouvaient tout à coup surgir. Le lendemain, en territoire Mursi, ils ont été agressés par 2 gamins qui se sont installés sur le toit de leur 4x4, armés de kalachnikof. La grande aventure…
Jean découvre qu’il n’a plus ses papiers, perdus ou volés quelque part. Il repart pour faire une déclaration à la police.

21 janvier 

Je monte en FTT depuis le refuge en direction du sommet de la colline, poussé par les copains. De là, je redescends seul sur son autre versant, dans un petit bois. J’ai la surprise de me retrouver soudain nez à nez avec un groupe de Nyalas femelles et leurs petits. Ils semblent étonnés mais pas effrayés. Je roule doucement dans leur direction sans faire de geste brusque et parviens à quelques mètres d’eux. Ils me regardent avec sympathie quand tout à coup ils découvrent en haut du pré, loin derrière moi, Christiane et notre chauffeur. Ils s’enfuient aussitôt et disparaissent dans le bois. Merveilleuse rencontre et délicieux sentiment de connivence.
L‘après midi, 4 heures de route pour rejoindre Goba, au pied du massif du Bale.

22 janvier        Une longue descente en FTT 

Arrêt au poste de police. Jean n’a pas réglé son problème de passeport disparu. L’affaire est complexe parce que la déclaration de perte, rédigée dans la langue locale doit être retraduite dans la langue officielle éthiopienne. Et il faut que tout ceci soit validé au retour dans la capitale pour obtenir le document autorisant la sortie du pays.
Nous attaquons la longue piste qui monte jusqu’au sommet du Tullu Deemtu, à 4377 m. Le temps est excellent. Nous avons la chance d’apercevoir en route le rare et très protégé « loup d’Abyssinie », un renard endémique des hauts plateaux. La végétation devient rare, à l’exception des magnifiques lobélies géantes qui mesurent près de 2 m de haut. La température s’est bien abaissée et le vent est glacial. Je m’équipe chaudement avant d’attaquer la très longue descente. La piste est bien roulante. A mi parcours, je rencontre un petit groupe d’éthiopiens. L’un d’entre eux m’aide à remonter une petite côte puis, se prenant au jeu, s’amuse à faire la course avec moi. Je le distance lorsque la pente est plus forte et il me rattrape ou me double lorsque le profil s’atténue. Nous sommes encore à plus de 3500 m d’altitude et il est à peine essoufflé. Il courra ainsi, sans jamais s’arrêter sur près de 10 km, jusqu’à la fin de ma descente. Je comprends mieux maintenant pourquoi les meilleurs marathoniens sont des éthiopiens…   

23 janvier        Visages de guerre, agression, accident 

Le voyage touche à sa fin. Nous prenons le chemin du retour. Une longue étape de 11 heures nous attend.
Nous rencontrons plusieurs bus et camions qui sont remplis d’hommes enrôlés comme chair à canon pour le front à l’extrême Nord du pays. Patriotisme, besoin d’argent ou mobilisation forcée ? Nous ne savons pas. Mais ils ne partent pas la fleur au fusil. Leurs visages trahissent détermination et inquiétude.
Nuit à Nazareth, au carrefour entre la vallée du rift et la route qui part sur Djibouti.

24 janvier

Le groupe est parti vers des sources chaudes. Christiane et moi allons nous perdre à pied dans un quartier de la ville. Mauvaise pioche. Un homme me bouscule, essayant de me faire tomber du fauteuil en même temps que son comparse tente d’arracher le sac à dos de Christiane, distraite par mon agression. Elle parvient à résister et nous nous enfuyons aussi vite que possible et à rejoindre une rue beaucoup plus peuplée. Séquence émotion…
Retour sur Addis Abeba. La route venant de Djibouti est redoutable. Les chauffeurs de camion sont épuisés, les accidents très nombreux. Nous verrons de multiples carcasses dont l'une, toute récente, avec son conducteur en cours de désincarcération.

25 janvier         Don d'un four solaire

Nous accompagnons Didier, qui avait emporté dans ses bagages un mini four solaire à donner à une association avec laquelle il est en contact. Celle ci forme les femmes des villages à leur utilisation et permet de lutter ainsi contre la déforestation. Le bois est de plus en plus difficile à trouver et le kérosène coute cher. 

Notre vol part à minuit. Nous partons de nuit à l’aéroport, en minibus. Nous roulons vite, trop vite, au milieu des vélos et des innombrables piétons. On frôle les uns, on rase les autres et c’est l’accident. Un bruit sourd sur la tôle, une tête qui percute le pare brise juste devant mon visage, un corps inanimé au sol. Le chauffeur reste étonnamment calme. Il griffonne quelque chose sur un bout de papier, le donne à un témoin de la scène et nous reprenons notre route, très préoccupés de l’état de santé du blessé pour lequel nous nous sentons bien impuissants.

Fin de l'aventure. Nous sommes allés à la rencontre d'une Ethiopie bien différente de celle que nous connaissions au Nord. Une Ethiopie à la fois fascinante et rugueuse, aux peuples fiers et ombrageux et à la faune encore préservée du tourisme de masse. Mais aussi, une Ethiopie dans laquelle la vigilance sera de mise, l'imprévisible n'étant jamais très loin. Elle se mérite, mais elle le vaut bien...

Le Site      Avertissement